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L'univers de Nathalie Autour

par Brigitte Ducousso-Mao, historienne de l’art.
 

Je dis : une fleur ! et, hors de l’oubli où ma voix relègue aucun contour, en tant que quelque chose d’autre que les calices sus, musicalement se lève, idées même et suave, l’absente de tous bouquets.
Stéphane Mallarmé (extrait de crise de vers)

 

Il serait possible, en parlant de la peinture de Nathalie Autour, de se contenter d’énoncer la primauté de la verticale, récurrente dans toute son œuvre (de 2005 à 2013), de parler de son geste large et sans entraves, qui évoque les arabesques de Gérard Schneider et l’abstraction lyrique. Il serait possible, encore, de décrire  ses jeux de couleurs qui jaillissent, s’emboîtent ou fusionnent dans ses toiles de 2008 et nous rappellent  les ciels déchirés de Zao Wou Ki ou ceux, plus laiteux, de Tal Coat… Mais ce serait réduire son travail à un commentaire technique et oublier la sensibilité, la force, la délicatesse de cette artiste, que l’on sent dans toute son œuvre.
 

Lorsque Nathalie Autour rend un hommage respectueux aux peintres qui l’ont inspirée ou émue, les références lui  permettent d’établir un jeu de va et vient mental entre passé, présent et futur, dans lequel elle se sent en harmonie. Quand elle jette avec vigueur les couleurs, gratte avec des instruments qu’elle fabrique, souligne de noir ses formes, grave des empreintes, strie ses toiles à l’aide de plaques de métal découpées et dentelées, c’est bien sûr à Soulages, à Hartung, à Lardera qu’elle pense. Mais ne nous y trompons pas : quand elle se saisit de la tradition, ce n’est pas pour la plagier ou s’y engluer, mais pour la  régénérer ainsi que le prônait Gustave Mahler : « Nourrir les flammes, et non vénérer les cendres. »
 

Le travail en série, n’est pas la preuve éclatante d’une pauvreté d’imagination. Au contraire, il permet aux artistes qui le pratiquent une exploration plus profonde du thème et ouvre le champ infini des variations et interprétations. Souvenons-nous des cathédrales, des meules de foin de Claude Monet ou des embrasements solaires et des tempêtes de Turner, de la Grande et la Petite Passion d’Albrecht Dürer. Trois thèmes obsèdent Nathalie Autour : les villes, les arbres et les cieux. Villes blanches, bleues ou noires qui surgissent de l’onde ou de  nulle part, troncs d’arbres vrillés, écorchés torturés, poussées et contre poussées dans l’infini... Autour peint la matière en expansion, elle refuse d’immobiliser et de saisir un instant unique du mouvement qui figerait l’élan, romprait le dynamisme universel, anéantirait le  processus. Elle  intègre dans ses toiles le déplacement de l’énergie vitale dans sa totalité et ses diverses phases. Cette  splendeur offre au spectateur la sensation même de la mouvance du monde, qu’Edgard Varèse avait parfaitement réussi à restituer dans son œuvre orchestrale Amériques, écrite entre 1918 et 1921.
 

La beauté et la singularité des toiles de ce peintre résident essentiellement dans la manière dont ses images parlent de l’absence. Villes désertes, ciels en ébullitions, arbres décharnés,  c’est dans ce vide que Nathalie Autour  parle de l’humain. Rien n’est jamais dit, ni précisé, ni définitif. C’est à nous, spectateurs, de reconstruire mentalement, de nous projeter dans ses propositions. Elle laisse la part belle à notre désir, à nos rêves, à notre imaginaire. Poète ou chamane, intercesseur entre deux mondes, Nathalie Autour possède l’art de suggérer, de nous inviter à regarder au-delà de la forme proposée, de convoquer l’absence…

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